Lundi, j’évoquais Mariam, la petite fille du drap. Voilà sa mère, Salimata, une Ivoirienne de 28 ans. Sur cette photo prise en octobre 2022, elle se fait maquiller par une voisine. Ses cheveux sont bien tressés, ses sourcils épilés : elle va se marier avec le père de ses enfants, Daouda. Un moment dont ils rêvaient depuis longtemps : le couple a quitté la Côte d’Ivoire par amour. Salimata était « réservée » pour un homme riche de son village, de cinquante ans son aîné. Déjà en couple avec Daouda, elle a refusé ce mariage forcé. Une rébellion qui les a contraints à l’exil.
Après quatorze mois au Cada, Salimata et Daouda ont enfin pu officialiser leur union. « Je sais que ce n’est pas facile d’arriver jusque-là. Je vous souhaite une vie heureuse en France », leur a souhaité René Ortega, le maire de Lagrasse. Après la cérémonie, une petite fête a réuni quelques villageois et les résidents du Cada. Salimata et Daouda étaient heureux. Elle avait préparé du jus de gingembre. Il y avait des gâteaux à profusion.
Mais le soir, Salimata a retrouvé son air un peu triste, comme sur la photo. Depuis qu’elle est en France, son cœur est lourd. « Quand je suis arrivée au Cada, je pleurais tout le temps. Tout le monde pleure ici quand on arrive… Si tu écoutes les histoires de tout le monde ici, tu vas pleurer aussi », me prévient-elle.
Je n’ai pas entendu toutes les histoires mais la sienne m’a particulièrement émue. Quand elle a fui, Salimata a emmené sa fille pour la sauver de l’excision mais elle a dû laisser son fils Moussa au pays. « Je ne pouvais pas partir seule avec les deux. Sur l’eau… ce n’était pas possible », se souvient-elle. Son seul souhait est de revoir un jour son petit garçon et de pouvoir le faire venir en France par voie légale. Elle espérait secrètement qu’en se mariant en France, elle augmenterait ses chances de recevoir l’asile. Cela n’a pas été le cas.
Texte et photo Sarah Leduc
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