Les fissures sur ces murs sont profondes et visibles, comme les lignes troubles de ces ombres tremblantes à l’intérieur.
Leur attente n’ouvre que sur une autre attente.
De cette cour, entourée de hauts murs, ne s’échappe que le bruit des enfants.
De la Tour de Babel, il ne reste plus qu’un puits, le Puits du Silence, aucun mot n’est échangé, sur les lèvres les mots sèchent.
Cet ici vient d’ailleurs, du monde des histoires non écrites, de la fin de l’ancien monde et du début d’un nouveau purgatoire. L’ancien monde – tantôt paradisiaque, tantôt infernal – subsiste-t-il encore quelque part derrière eux ?
Une odeur de renfermé se perd dans l’arôme du pain fraîchement cuit.
Agar tresse les cheveux de Fatima,
la cloche sonne,
le temps s’est figé,
la fillette gémit.
Des couleurs vives s’entremêlent, couleurs vives en torsade, Salimata porte son bébé dans son dos. A quelques maisons de là, une chanteuse d’opéra chante de plus en plus fort.
Tant qu’il n’y a pas d’enfants, la cour se repose. Un moine vêtu de blanc passe la porte à grands pas. Maryam tient un panier de vêtements au-dessus de sa tête, main dans la main avec sa fille qui vient d’apprendre à marcher.
Un touriste se promène, passe devant elles, s’étonne des colonnes et des escaliers en colimaçon ; la fillette, elle, s’étonne de la présence d’un étranger. De la fenêtre de sa maison, une femme, de sa voix chaude, invite les arbres de la cour à danser la salsa.
Les deux cloches de l’abbaye et de l’église sonnent maintenant en même temps; en bas des escaliers, les écouteurs sur les oreilles du jeune homme l’ont emporté dans un autre monde : depuis quelques minutes, il essuie du chocolat sur les marches.
Dehors, des ouvriers s’affairent. Derrière sa fenêtre, un homme fort et fatigué les regarde
L’odeur de l’ail et des aubergines frites par Nurieh est omniprésente. Les cloches sonnent toujours.
Seuls les vêtements font la fête, sur les cordes à linge ils dansent dans le vent.
Derrière sa fenêtre, Kadiatou regarde fixement le clocher, le coq de la girouette, en égrenant son chapelet.
Une affreuse poupée sans bras et sans pieds est abandonnée dans un coin de la cour.
Aucune cloche n’éveillera ce temps qui s’est endormi.
Amir Aghanoori (texte traduit du persan)
Photo Sarah Leduc