Mathieu Potte-Bonneville : « Savoir où nous en sommes est l’affaire de tous »

Il revient à Mathieu Potte-Bonneville, un habitué de longue date du Banquet du livre, d’animer cette année un atelier de philosophie dans une forme renouvelée. Hériter du XXe siècle : c’est autour de cette proposition que s’articuleront les séances matinales, à partir de Michel Foucault et textes à l’appui, pour une tentative partagée de « décrire ce qui est en train de se transformer dans le paysage de notre pensée ». Entretien avec l’animateur de l’atelier. 

L’atelier de philosophie qui débute ce matin part d’une question de Michel Foucault et dont vous dites qu’elle est « une question pour aujourd’hui ». La voici donc : « Quelle différence aujourd’hui fait-il par rapport à hier ? »

Il m’a semblé que, pour une édition du Banquet centrée autour de la relation entre les générations, cette question de la différence entre hier et aujourd’hui était un bon point d’entrée : on pense spontanément aux grands évènements de notre temps, au réchauffement climatique, au surgissement d’une nouvelle vague du féminisme, à la manière dont s’énoncent les questions post-coloniales…, mais essayer de décrire précisément ce qui a changé, ce qui s’est transformé ou est en train de se transformer dans le paysage même de notre pensée pourrait permettre une confrontation féconde entre des personnes qui, comme moi, ont appris à réfléchir avec les catégories de la fin du XXe siècle, et celles et ceux qui doivent aujourd’hui construire leur chemin dans ce nouvel horizon de pensée. C’est ici que la citation de Foucault m’intéresse : là où les philosophes essaient  d’ordinaire de décrire les structures universelles et permanentes de l’expérience, Foucault s’intéresse, lui, à ce qui fait rupture, déplacement, transformation dans l’environnement de pensée dont il est contemporain. C’est ce qu’il nomme : « l’actualité ». Mais l’actualité, c’est une chose bien différente de ce que l’on appelle d’habitude les actualités, à savoir la succession quotidienne des évènements grands et petits, qui s’avère bien souvent tout à fait répétitive. L’actualité, c’est ce territoire inconnu dans lequel, sans toujours le savoir, et en croyant simplement continuer sur la lancée de nos habitudes, nous avons commencé à nous engager. Voilà la question dont j’aimerais que nous nous la posions ensemble, cette semaine : qu’en est-il au juste de notre actualité ?

« Hériter du XXe siècle », qui est le thème de l’atelier, signifie-t-il que le XXe siècle est clos ?

Justement, c’est toute la question. Le calendrier nous l’assure : nous avons désormais, et depuis plus de 20 ans, changé de siècle. Pour autant, on constate quotidiennement que les décisions prises au XXe siècle, qu’il s’agisse de frontières, de choix énergétiques ou de gouvernance des grandes entreprises, continuent à avoir une influence déterminante sur le cours de notre monde : le XXe siècle se prolonge dans les faits. Reste à savoir s’il se poursuit ou s’infléchit dans les têtes, dans nos manières de voir, de sentir, de penser. De là l’idée d’aller regarder à mi-chemin des faits et des têtes, je veux dire dans les traces écrites léguées par un autre siècle, dans les textes ! Pour ma part, j’ai appris à penser en compagnie d’auteurs dont les textes écrits à la fin du XXe siècle m’accompagnent encore ; mais c’est un peu comme lorsqu’on cherche une citation, on se plante devant sa bibliothèque, on ouvre un livre, on le feuillette, et on est sidéré de se rendre compte qu’il ne raconte pas du tout ce dont on se souvenait. Parce qu’entre temps, le monde a changé, et nous ne pouvons plus lire exactement comme nous le faisions hier. Y a-t-il des textes qui sont devenus illisibles ? Ou d’autres, au contraire, que nous comprenons mieux qu’avant ? Essayer de mesurer la distance que le passage d’un siècle à l’autre a introduit dans notre culture, dans le jeu de nos lectures et de nos références, voilà la manière modeste et pratique par laquelle j’aimerais que nous nous demandions si nous avons bel et bien changé de siècle.

Vous avez souhaité que des invités du Banquet soient conviés à la table des débats. Qu’attendez-vous de cette « réflexion participative » ?

Je suis très heureux que les invités du Banquet me rejoignent chaque matin pour mener ensemble cette petite enquête. Chacun d’entre eux a accepté, et je les en remercie beaucoup, de faire l’exercice : aller chercher, dans certains livres, des passages où l’on pourrait déceler des changements de perspective, des inflexions dans la façon de voir, des évidences qui sont devenus problématiques, des questions autrefois secondaires qui sont devenues centrales, etc. En contrepoint des grandes conférences et des entretiens de l’après-midi, j’aimerais que ces matinées soient des moments de partage, de discussion, auxquels le public puisse pleinement participer. Savoir où nous en sommes est l’affaire de toutes et tous, et j’espère que se pencher en commun sur des textes pourra y contribuer.

Mathieu Potte-Bonneville est philosophe. Ancien président de l’assemblée collégiale du Collège international de philosophie, il dirige actuellement le département Culture et création du Centre Pompidou. Il siège au conseil d’administration de l’EPCC Les arts de lire de l’abbaye médiévale de Lagrasse au titre de l’association Le Marque-Page. 

L’atelier se déroule à partir de ce dimanche matin et jusqu’au jeudi 10 août, de 10 h 15 à 12 h au Jardin des Tabatières. Interviendront tour à tour au fil de la semaine : Peter Szendy, Yann Potin, Nastassja Martin et Irène Théry. Accès libre et gratuit dans la limite des places disponibles. 



Le Banquet du livre pratique

LE COIN ENFANTS

Pour les 4-10 ans, tous les jours de 10 h à 13 h et de 17 h à 20 h dans la cour du palais abbatial. Gratuit sur inscription.

TARIFS & INSCRIPTIONS

  • Forfait intégral : 80 (plein tarif), 56 (tarif réduit), 30 euros (tarif jeunes).
  • Forfait journée : 15, 11 euros, gratuit.
  • Séances à l’unité : 6, 4 euros, gratuit.
  • Spectacle du 11 août : 15, 11, 8 euros.
  • Atelier d’écriture : 10 euros, gratuit (inscription obligatoire).
  • Bus et pique-nique pour Tautavel : 20, 15 euros. (inscription obligatoire).
  • Sieste sonore, balade botanique, balade géologique : gratuit, inscription obligatoire.
  • Atelier de philosophie, Figure libre, Cinéma, Lecture, La criée, Grand petit déjeuner : gratuit, sans réservation dans la limite des places disponibles.

Tarif réduit pour les titulaires de la carte seniors, PMR, bénéficiaires des minima sociaux, adhérents du Marque-Page.

Tarif jeunes pour les 18-25 ans et étudiants.

Gratuit pour les moins de 18 ans (sauf spectacle du 11 août et bus/pique-nique à Tautavel).

Pour plus de renseignements : le site du Centre culturel Les arts de lire.

SE RENDRE A LAGRASSE

  • Gares les plus proches : Lézignan-Corbières (18 km), Narbonne (40 lm), Carcassonne (40 km).
  • Aéroports : Carcassonne (40 km), Perpignan (70 km), Béziers (80 km), Toulouse (140 km), Montpellier (140 km).

SE LOGER A LAGRASSE

Renseignements à l’Office de tourisme : 04 68 43 11 56.

SE GARER A LAGRASSE

Parkings P1, P2 et P3 obligatoires pour les visiteurs. Payants de 10 h à 18 h : 0,70 euros/heure, 4 euros/journée.

CREDITS PHOTO

Idriss Bigou-Gilles, Sarah Leduc, Daniele Molajoli, Thierry Cardon, Wiktoria Bosc, Gilles Moutot, Alain Bujak, Fabrice de Bray, Emmanuelle Marchadour, Alexander Abdelilah, Bertrand Fillaudeau, Gallimard, Orian Batigne, Bénédicte Roscot, Hermance Triay, Olivier Roller, Mathieu Génon, Aurélie Prissette, Julia de Gasquet, Xavier Arias, JF Paga, Denis Dainat (Cerp Tautavel), Serge Bonnery.