Retour dans les rayons de la librairie Les arts de lire pour le dernier billet de La table des libraires. Nicolas Seine nous présente aujourd’hui « une sélection de livres qui prend le thème du Banquet à contre-pied ».
« Regarder ailleurs, c’est aussi regarder différemment ce qu’on a déjà, tout près, sous les yeux sans même plus s’en apercevoir ». Sous nos pieds d’abord, la terre et sa géologie se dénudent dans « des livres d’introduction à l’émerveillement que représente la découverte du sol », comme le précieux Guide géologique de l’Aude (Omniscience, 2023).
En somme, la beauté est partout pour qui veut bien la voir. Mais comment bien voir ? Dans Apprendre à voir. Le point de vue du vivant (Actes sud, 2021), Estelle Zhong Mengual exerce l’œil des lecteur·rices à regarder le vivant autrement. L’historienne de l’art, disciple de Bruno Latour, fait des peintres et naturalistes anglo-saxons du XXe siècle des guides dans l’art de l’attention portée au non-humain. « Un des plus beaux livres d’écologie de ces dernières années », une exploration sensible et didactique entre histoire naturelle et histoire de la peinture, là où l’art intensifie notre rapport au vivant.
Apprendre à voir. Le point de vue du vivant, d’Estelle Zhong Mengual aux éditions Actes Sud.
Pour Nicolas Seine, « observer ce qui est proche, c’est aussi regarder le banal et ces gestes que l’on ne questionne même plus ». Georges Perec est ainsi à l’honneur tant il a pris soin dans ses écrits de fuir l’exotique pour l’endotique, en préférant à l’exceptionnel ce qu’il a nommé L’infra-ordinaire (Seuil, 1989). « Se réapproprier notre quotidien, le comprendre, s’y intéresser, le regarder avec précision » est une démarche émancipatrice selon Nicolas. Le libraire suggère ainsi de suivre les Exercices d’observation (Premier parallèle, 2022) de l’anthropologue Nicolas Nova. Un véritable manuel pratique pour stimuler et aiguiser notre perception de l’infra-monde.
Côté photographie, la Bibliothèque nationale de France (BNF) a consacré une exposition aux travaux de 200 photographes missionnés par le ministère de la culture pour établir « un portrait de la France à l’issue de la crise du Covid ». Réunis dans l’album La France sous leurs yeux (BNF éditions, 2024), les clichés « dévoilent du banal et de l’ordinaire qui, mis bout à bout, donnent à voir une vision très approchante de la France dans sa diversité. »
Pour conclure, Nicolas Seine conseille Autopsie (Éditions de la Martinère, 2013) des photographes Pascal Rostain et Bruno Mouron. Les deux anciens paparazzi « nous donnent accès à la vie privée des célébrités à travers le contenu de leur poubelle ». Rostain et Mourron ont en effet écumé les vide-ordures des stars et proposent – dans ce livre préfacé par Jean-Paul Demoule – une archéologie de la vie intime et quotidienne des célébrités hollywoodiennes, bien plus infra-ordinaire qu’on ne le croit.
Maxime Lagarde
