Pour ce deuxième tour de table des librairies, Aline Costella nous invite aujourd’hui dans la librairie Les arts de lire, semée de tables aux thématiques répondant à des enjeux contemporains. « Nous souhaitons proposer un pas de côté par rapport au thème du Banquet » : décentrer le regard certes, mais vers des horizons politiques et sociaux immédiats.
Direction la table intitulée « Quelles ruralités ? Luttes et enjeux » qui montre le foisonnement littéraire explorant la ruralité, l’agriculture et l’écologie. « Les remises en question du monde s’enracinent dans les campagnes » souligne Aline, qui rappelle que la vision politique de la ruralité a notamment été « théorisée par le philosophe américain Murray Bookchin », considérant « qu’à petite échelle, la communauté peut activer des leviers pour repenser le monde – voire même le changer ».
Ce thème, en forme de problématique, entre particulièrement en résonance avec les deux dernières séquences politiques qui ont fixé en images une géographie électorale saisissante : celle d’une ruralité d’extrême droite. Comment déjouer alors les préjugés et fantasmes qui entourent « le monde rural » ?
Dans Ceux qui restent. Faire sa vie dans les campagnes en déclin (La Découverte, 2019), Benoît Coquard propose une enquête immersive dans les plaines du Grand-Est où les habitants sont « éloignés des services publics, plus pauvres qu’ailleurs et rencontrent plus de difficultés d’emploi ». Dans son livre – et ses récentes incursions médiatiques –, le sociologue démontre ainsi « que le vote Rassemblement national est plutôt d’origine sociale que géographique. »
Un constat sociologique qui aiguise déjà nos regards : Pourquoi tant de votes RN dans les classes populaires ? se demandent Gérard Mauger et Willy Pelletier dans un ouvrage collectif aux éditions du Croquant (2023). De la même manière, Félicien Faury interroge les motivations Des électeurs ordinaires qui adhérent aujourd’hui au Rassemblement national (Le Seuil, 2024).
Dans ce livre, Benoît Coquard propose une enquête immersive dans les plaines du Grand-Est.
La riche table thématisée s’élargit ensuite à la littérature engagée, où les luttes et initiatives paysannes côtoient les utopies écologiques, ouvrant ainsi le champ des possibles. Autre forme d’engagement représentée, l’art paysan se livre à nos yeux dans l’ouvrage Artistes et paysans. Battre la campagne, publié par le musée toulousain des Abattoirs à l’occasion de son exposition éponyme. Selon Aline Costella, cet album démontre « que l’on peut photographier et représenter des choses universelles à la campagne ».
Une lecture picturale du monde rural alimentée par les deux expositions présentées lors du Banquet du livre : la galerie Ricochets de l’arpenteur de la Diagonale du vide Fred Sancère, et les peintures et dessins de Christian Bastian, qui nous exhorte à Traverser le paysage avec désir.
Maxime Lagarde