Cette photo en dit long sur le quotidien des résidents du Centre d’accueil des demandeurs d’asile. Naïm, venu d’Albanie avec sa femme et leurs trois fils, est en train de mettre à jour son dossier administratif. Il vérifie qu’aucune pièce ne manque, que ses papiers sont toujours en cours de validité… « Si on doit partir, tout est prêt », m’annonce-t-il fièrement. Au Cada, « on a un pied dedans, un pied dehors », me confirme Daouda, un voisin ivoirien. Il faut toujours être prêt pour la sortie et en attendant, se plier à un lourd parcours administratif.
Le Cada héberge les personnes qui demandent le statut de réfugiés en France le temps de la procédure. Elles doivent d’abord soumettre leur dossier à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA). Convoquées quelques mois plus tard, elles sont interrogées et doivent prouver la véracité de leur récit. Plusieurs mois s’écoulent à nouveau avant le verdict.
Si la demande d’asile est acceptée, l’équipe du Cada aide à trouver un logement social, en permettant à la famille de rester six mois de plus. Pour les demandes refusées, les familles peuvent faire appel auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Elles restent hébergées au Cada pendant cette nouvelle procédure. Si la CNDA rejette la demande d’asile en appel, les familles écopent d’une Obligation de quitter le territoire (OQTF). Elles peuvent rester au Cada un mois supplémentaire avant de devoir quitter les lieux. Pour les familles qui ont reçu un permis de séjour, le parcours du combattant n’est pas fini. Il faut encore trouver un logement social ou un loyer à la mesure de leur bourse. Difficile là encore de reprendre les rênes de sa vie. On va là où on vous envoie, là où il y a de la place, peu importe vos souhaits.
Naïm et Nurieh viennent de la montagne en Albanie. Lui est bûcheron, ses mains calleuses en attestent. Il travaille dans les champs et les forêts, connaît l’essence des arbres et cueille des baies qu’il fait sécher sur le fil à linge. Nurieh plante des fraises à sa fenêtre, fait des décoctions d’herbes sauvages et me glisse toujours des noix fraîches dans les poches quand je lui rends visite. Ils sont proches de la nature et n’aiment pas l’agitation de la ville. Alors ils ont résisté au béton. Neuf mois après avoir obtenu leur permis de séjour, ils ont enfin trouvé une petite maison dans un village des Corbières. D’ailleurs je vais y aller, je suis attendue pour boire une tisane d’herbes sauvages…
Texte et photo Sarah Leduc
-o-
A lire demain : La nuit froide de l’oubli