Derrière ce drap, les jambes de Mariam, 8 ans au moment où je prends cette photo en août 2022. Cela fait alors plus d’un an qu’elle vit dans le Centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada) de Lagrasse avec ses parents et son petit frère, Junior, né en France.
Originaire de Côte d’Ivoire, Mariam a fui son pays avec sa mère Salimata. Elles ont rejoint la Libye à pied, en bus, en camion. Elles y ont été arrêtées et emprisonnées. Après leur libération, elles sont parties pour la Tunisie où elles ont pris la mer pour Lampedusa et ont été secourues par la Croix-Rouge. D’Italie, elles ont rejoint la France où elles ont retrouvé leur père et mari, Daouda. Après quelques jours dans la rue à Paris, ils sont partis pour Toulouse où ils ont été recueillis par le Samu social puis envoyés au Cada de Lagrasse.
De ce périple infernal, Mariam a tout oublié. Elle ne se souvient ni des geôles libyennes ni de la traversée en Méditerranée sur la petite embarcation surpeuplée. C’est une petite fille joyeuse et pleine de vie, qui travaille bien à l’école et rêve d’une chambre juste à elle. Au moment où je prends cette photo, elle est en train de jouer avec ses amis dans l’arrière-cour du Cada. Quand je vois ses jambes dépasser du drap, je lui demande de ne plus bouger.
Elle joue à cache-cache mais j’y vois autre chose : un symbole de l’invisibilité des demandeurs d’asile en France. On ne les voit pas, on ne les entend pas. Même à Lagrasse, nombreux sont les résidents à rester enfermés dans leur appartement. Par pudeur. Par prudence. Par peur. « Pour se cacher », me confie l’un d’eux. Et pourtant ils sont là. Ils ont tout quitté pour trouver refuge et protection en France.
Après 16 mois passés dans le Cada, Mariam et sa famille ont été déboutés de leur demande d’asile : d’abord en première instance puis en appel. Comme la loi l’exige, ils ont dû quitter le Cada un mois après le rejet de leur dossier. Ils se sont depuis fondus dans la masse des sans-papiers. Invisibles.
Texte et photo Sarah Leduc
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