La librairie permanente de l’abbaye médiévale de Lagrasse a changé de nom et de lieu. Elle s’appelle désormais la librairie Les arts de lire et elle se situe au cœur même du monument, « une manière forte de signifier que le livre et la littérature sont au cœur du projet », souligne Jean-Sébastien Steil, le directeur du Centre culturel.
Entrons donc dans ce nouvel espace et laissons-nous guider par Aline Costella et Nicolas Seine, les libraires qui ont conçu les tables dédiées au Banquet du livre.
La Genèse, la création du monde, les mythes fondateurs, les commencements : c’est avec les ouvrages en référence au séminaire de pré-Banquet sur Les générations du ciel et de la terre qu’Aline Costella nous accueille. Il y a là, familiers des rayons, les titres parus dans la collection Les dix paroles des éditions Verdier : Le Zohar (Genèse et Les lamentations), Midrash Rabba… Et les livres du philosophe et talmudiste Ivan Segré, animateur dudit séminaire : La souveraineté adamique, L’intellectuel compulsif, entre autres…
Le féminisme des années 70 à aujourd’hui ne pouvait être absent d’une librairie dédiée à un Banquet qui s’interroge sur les générations. « Nous avons voulu savoir ce que les féministes d’aujourd’hui ont gardé de leurs aînées. Qu’ont-elles modifié dans leurs luttes ? Quelles figures ont-elles reprises ou abandonnées ? », argumente Aline. L’histoire du féminisme donc avec le désormais classique Ne nous libérez pas on s’en charge de Bibia Pavard, Florence Rochefort et Michelle Zancarini-Fournel aux éditions de La Découverte. Sur la même table, une approche de l’intersectionnalité vue par Kimberlé Crenshaw. Le féminisme à l’aune des autres formes de discrimination complète cet ensemble. Le livre d’Ovidie La chair est triste hélas, premier titre de la toute nouvelle collection dirigée par Vanessa Springora aux éditions Julliard trouve ici sa place, naturellement. « Sur toutes les tables, précise la libraire, nous proposons des ouvrages nés de trajectoires particulières ».
Enfin, « il nous importait aussi d’interroger le lien à la mère dans les récits intergénérationnels. Comment le féminisme s’est-il transmis de mères à filles, quelles sont les différences et les poins communs dans leurs luttes… » avec Nos mères de Christine Detrez et Karine Bastide (La Découverte) auquel fait écho Nos mères d’Antoine Wauters dans une tout autre manière d’aborder le sujet. Et tant que nous sommes dans l’exploration des liens, notons le rapport au père avec l’incontournable Tu seras un homme mon fils de Kipling. Et le rapport au fils avec Le tour de l’oie « où un Erri de Luca très intime écrit au fils qu’il n’a jamais eu parce qu’engagé dans les luttes, il a décidé de ne pas avoir d’enfant ».
La liste des suggestions n’est pas exhaustive. Mais on ne quittera pas ce soir la librairie Les arts de lire sans une attention particulière pour « les liens du sang maudits » avec Lilas rouge et Lilas noir de Reinhard Kaiser-Mühlecker aux éditions Verdier, deux livres qui décrivent « le destin d’une famille autrichienne de la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’à nos jours à la suite des actes commis par le patriarche ». Attention : chefs d’œuvre !
S.B.