Aux alentours du 3 novembre 1911, Marcel Proust adresse une lettre à Zadig, le chien de son ami Reynaldo Hahn. « Mon cher Zadig, je t’aime beaucoup… » écrit-il, « parce que tu as beauscoup (sic) de chasgrin (re-sic) et d’amour… » Et Proust d’expliquer au « gentil chouen » – il l’appelle ainsi, chouen et non chien – qu’il a lui aussi connu le chagrin quand, enfant, il devait quitter maman ou partir en voyage, ou seulement se coucher ou encore « pour une jeune fille que j’aimais ».
Les chiens ne lisent pas, pas plus qu’ils n’écrivent. Mais Proust dit au chouen de Reynaldo Hahn qu’au fond, il lui ressemble non par « cette intelligence qui ne nous sert (à nous les hommes) qu’à remplacer ces impressions qui te font aimer et souffrir », mais justement par cette disposition qui le fait, comme lui, aimer et souffrir. « Et cela me semble tellement supérieur au reste qu’il n’y a que quand je suis redevenu chien, un pauvre Zadig comme toi, que je me mets à écrire et il n’y a que les livres écrits ainsi que j’aime ».
L’œil d’Idriss s’est arrêté Rive gauche, auprès de ce petit chouen, dans le voisinage littéraire du Jardin des Tabatières où s’est déroulée hier une lecture à quatre voix époustouflante dont Johan Faerber parle merveilleusement dans sa diachronik du jour.
S.B.
Photo Idriss Bigou-Gilles