Les enfants du Banquet : Aurélien Pradeau

Des étés « passent et repassent » dans un petit village de l’Aude. Lagrasse, un toponyme qui, à mes neuf ans, suscitait un sentiment négatif, anxieux. Cela s’explique aisément : lorsque j’entendais le nom de ce petit village, tout en lisant un tome de Quick et Flupke, cela voulait dire pour moi des vacances éloignées de mes parents. Un toponyme frustrant donc, synonyme de vacances « d’adultes », pas faites pour moi, remplies de conférences, d’incompréhensibles et longues discussions qui, reconnaissons-le, s’apparentaient à des échanges « d’adultes » – pour peu qu’on sache définir ce qu’est une discussion « d’adultes ».

Un, deux, trois étés passèrent, puis vint le moment tant attendu : mon arrivée à Lagrasse. Durant tout le trajet, comme chaque fois que l’on désire ardemment quelque chose, j’étais de plus en plus dubitatif à l’idée de passer une semaine là-bas, songeant que les vacances chez mes grands-parents étaient finalement très agréables. Un doute qui s’envola néanmoins en une fraction de seconde, à un tournant de la départementale 212. Ce tournant, si vous me permettez d’utiliser une hyperbole, est sans aucun doute le plus beau de toutes les départementales de France. Il laisse bouche bée chaque jour des dizaines de touristes qui découvrent soudain le panorama qui s’offre à ceux qui arrivent à Lagrasse par la route de Ribaute. Voici mon premier aperçu de Lagrasse. Je ne m’attarderai pas sur la découverte de ses rues étroites si particulières, ni de l’abbaye, ni des rives de l’Orbieu où l’on se croise chaque jour pour tenter de trouver un peu de fraîcheur sous le cagnard. Lorsque l’on me demandait mon avis sur ce village, je répondais simplement, après une intense réflexion : « Franchement, très sympa ! »

Les premiers étés, il faut bien l’avouer, n’ont pas fait de moi le nouveau Jean-Claude Milner de la philosophie, ni le nouveau Patrick Boucheron de l’histoire. Je venais aux conférences, j’écoutais, me persuadais d’en avoir compris l’essentiel, essayais de feindre que c’était le cas, puis oubliais tout une heure plus tard. Honnêtement, ce qui m’intéressait le plus était sans aucun doute le lieu le plus secrètement prisé des habitués du Banquet… Je ne veux pas dire par là, la librairie Ombres blanches, riche d’une incroyable vie intellectuelle, mais bel et bien le bar : je voulais y travailler ! Néanmoins, un obstacle m’empêchait d’y accéder pleinement. On peut feindre beaucoup de choses dans la vie, mais il y en a une contre laquelle on ne peut lutter : l’âge. Après un discours succinct et, il faut bien le dire, peu convaincant, Renaud, alors gérant du bar, m’avait poliment fait comprendre qu’y travailler serait impossible.

À mes 16 ans, une opportunité s’est offerte à moi : travailler en tant que bénévole au Banquet du livre d’été. Cela faisait plusieurs étés que j’assistais au Banquet, et l’idée d’y avoir enfin un rôle m’animait et me plaisait. Entrer au Banquet du livre, c’est franchir le seuil d’un monde à part, vibrant et chaleureux. Bénévole, j’ai porté mille casquettes : vendeur de billets, homme à tout faire, compagnon de route de la librairie Ombres blanches. Mais plus que le travail, c’est la magie des rencontres qui m’a marqué. Dès la première année, j’ai rencontré Mélodie, Élodie et Hector, qui m’ont permis de vivre un Banquet fabuleux, en 2022. Nommer tous ceux que j’ai croisés serait impossible. C’est là toute la richesse de Lagrasse, des rencontres infinies ; la possibilité de croiser des philosophes photoreporters au Banquet du livre d’été, comme Gilles Moutot, toujours accompagné de son appareil, ou des journalistes-écrivains-poètes tel Serge Bonnery, des historiens archivistes funambules comme le président Yann Potin. Et puis il y a Anne Gagnoud, dont l’amitié, née dans le tumulte joyeux du festival, reste aujourd’hui un lien précieux et profond. Le Banquet, c’est aussi cette énergie douce et forte des conférences et des lectures nocturnes – des voix comme celle de Serge Renko, à qui je rends ici hommage, des voix qui ouvrent des fenêtres sur d’autres mondes. Là, entre livres, rires, discussions et rosé – que je servirai cette année en tant que salarié du bar (on arrive souvent à ses fins) – le bénévolat devient une parenthèse où l’on se découvre et se retrouve grandi.

Aurélien Pradeau, étudiant,
bénévole dès l’âge de ses 16 ans
au Banquet du livre d’été 2022



Le Banquet du livre pratique

LE COIN ENFANTS

Pour les 3-10 ans, tous les jours de 10h à 13h et de 17h à 20h dans la cour du palais abbatial. Gratuit sur inscription, réservations à ce lien.

TARIFS & INSCRIPTIONS

  • Forfait intégral (non inclus : séminaire pré-Banquet, les hors forfait : 90€ (plein tarif), 60 € (tarif réduit), gratuit (tarif jeunes)
  • Forfait journée (selon le jour) : 12 €/19 €, 8 €/16 €, gratuit
  • Séances à l’unité : 7 €, 5 €, gratuit
  • Les hors-forfait : tarif unique pour chaque manifestation, détails sur abbaydelagrasse.fr
  • Spectacle d’ouverture Horizon (26 juillet), La Criée de la librairie (27 juillet – 1er août), Atelier cinéma et littérature (28 – 30 juillet), Lecture et présentation à la librairie du Banquet (28 – 31 juillet), Grand petit déjeuner/Atelier de philosophie/Texte en cours et exercice d’admiration (28 juillet – 1er août), Concert sous les étoiles Pour Britney (31 juillet), Soirée de clôture Pique-nique-boum (1er août) : Gratuit sans réservation dans la limite des places disponibles

Pour plus de renseignements : le site du Centre culturel Les arts de lire.

SE RENDRE A LAGRASSE

  • Gares les plus proches : Lézignan-Corbières (18 km), Narbonne (40 lm), Carcassonne (40 km).
  • Aéroports : Carcassonne (40 km), Perpignan (70 km), Béziers (80 km), Toulouse (140 km), Montpellier (140 km).

SE LOGER A LAGRASSE

Renseignements à l’Office de tourisme : 04 68 27 57 57.

SE GARER A LAGRASSE

Parkings P1 et P2 obligatoires pour les visiteurs. Payants de 10 h à 18 h : 0,70 euros/heure, 4 euros/journée.