Samuel Péricaud (Ombres blanches) ne désirant pas être photographié
Blessé, vendu, modifié, mourant et même annihilé, le corps est bien souvent, dans nos existences comme en littérature, un sujet de souffrances. Si Ombres blanches ne tourne pas le dos à cette dimension essentielle, amplement représentée dans ses rayons, le libraire Samuel Péricaud prend le parti de nous donner à penser le corps en ses désirs.
« Désir de savoir et de lire jusqu’au désir d’agir, désir de sexe aussi, de l’autre et de l’ailleurs ». Pour Samuel, « le désir a un rapport immédiat avec le corps ». C’est qu’en effet, autant qu’il est une aspiration intellectuelle, le désir est aussi une sensation universelle, toujours tendue vers l’avant. Elle pousse les corps à se mouvoir, se projeter, se libérer.
Désir de lire tout d’abord, avec Don Quichotte ici présenté en deux tomes aux éditions Points. À ces côtés, l’écrivain Roberto Bolaño qui, dans Les détectives sauvages (Points, 2006), « part à la recherche d’écrivains disparus au Mexique », ou encore le romancier tchèque Bohumil Hrabal dont le protagoniste, Hanta, « sauve en les lisant les livres qu’il est chargé de détruire ». Plus loin sur la table des « désirs de sexe », la présence infaillible de La Nuit sexuelle (Flammarion, 2007) de Pascal Quignard agît ici en pied de nez. Les habitué·es du Banquet comprendront ; les nouveaux l’apprendront rapidement s’ils en ont la curiosité.
Le sexe donc, mais pas n’importe lequel : « celui qu’on aime, qu’on aime pratiquer et non celui qui blesse ». Un désir qui ne cesse d’être interrogé et dont Samuel propose une lecture originale. Dans Fantasmâlgories (L’Arche, 2016, réédité en 2020), l’auteur allemand Klaus Theweleit nous livre ses réflexions sur le rapport entre fascisme et sexualité, au centre duquel l’expression de la domination masculine, du corps virilisé et de la misogynie y est exacerbée. Un ouvrage « complètement fou », précise le libraire, débordant de références et de liens culturelles et iconographiques.
Toujours sur la table du « désir sexuel », Samuel conseille une approche radicalement plus attentive avec la lecture d’Emmanuelle Salasc qui, avec Nouons-nous (P.O.L, 2024) et son foisonnement « de bribes d’histoires et de micro situations amoureuses » nous intiment de relire nos relations sentimentales avec le soin du détail.
Désir de l’autre, proche du corps, mais aussi désir de l’autre, ailleurs, avec une table dédiée dans la librairie Ombres blanches. Samuel ne tarit pas d’éloges devant les Voyages insensés (Verdier, 2008) de Vassili Golovanov : « un des plus grands livres de l’histoire de littérature ». On y suit un père et son fils en partance pour l’île polaire de Kolgouev, au nord de la Sibérie, territoire des Nénètses. « Une espèce de récit de voyage, un roman monde » dans lequel chaque chapitre, en prose ou en poésie, change de forme, au gré des désirs de son auteur.
Maxime Lagarde