Podcasts : Banquet du livre d’été 2024

Banquet du livre d’été 2024
Penser et regarder ailleurs

3 → 9 août


L’édition 2024 du Banquet du livre d’été invitait à penser autrement, à décentrer le regard, à décaler le propos. Faire un pas de côté pour élargir le spectre, voir plus loin et différemment sont une manière de répondre à la tentation du repli, à la peur de l’autre et à la crainte du lendemain. Quelles pensées venues d’ailleurs peuvent renouveler nos imaginaires et ressourcer nos utopies ? Il s’agissait tout simplement de regarder ensemble les mondes d’ici et d’ailleurs.

À l’ombre de l’abbaye médiévale de Lagrasse, village des Corbières, les grandes voix de la pensée contemporaine ont posé avec le public la question des mondes que nous partageons.


Dimanche 4 août
Triple voix : Dessiner, pour regarder l’histoire autrement
Étienne Davodeau et Jean-Louis Tripp, auteurs de bandes dessinées et Sylvain Venayre, historien

« Qu’il s’agisse de l’histoire de son voisin vigneron (Les Ignorants, Futuropolis, 2011) ou de ce que l’Homo sapiens laisse dans le sous-sol pour les générations futures (Le Droit du sol, Futuropolis, 2021), Étienne Davodeau développe de livre en livre une œuvre qui déplace le regard du lecteur en l’entraînant sur ses pas dans des enquêtes faites de rencontres et d’expériences sensibles. L’historien Sylvain Venayre, qui dirige la collection « L’histoire dessinée de la France » (La Découverte – La Revue dessinée) et collabore régulièrement avec des auteurs de B.D., s’intéresse quant à lui à la production des récits d’histoire par d’autres que lui-même (Une guerre au loin, Annam, 1883, La Découverte, 2023) et à la relation de l’histoire au dessin (Les vents ovales, Horne, Mermilliod et Tripp, Ed. Dupuis, 2024). Réunis par Jean-Louis Tripp qui situe ses récits fictionnels (Magasin général, avec Régis Loisel, Casterman 2006/2014) ou autobiographiques dans des contextes socio-politiques précis (Extases 1 et 2, Casterman, 2017, ou Le Petit frère, Casterman, 2022), les trois auteurs échangeront sur la poétique de l’histoire dessinée et la contribution du dessin à un autre récit de l’histoire. »

Jean-Louis Tripp
Étienne Davodeau
Sylvain Venayre

Dimanche 4 août
Conférence : Altérités : l’écriture biographique
Benoît Peeters
, écrivain

« Le genre biographique s’est imposé de plus en plus dans mon travail, à travers cinq livres consacrés à Hergé, Jacques Derrida, Paul Valéry, Sandor Ferenczi et Alain Robbe-Grillet. Mais si les biographies ont de nombreux lecteurs, le genre biographique n’a que peu de défenseurs. C’est comme si le biographe ne pouvait avoir ni l’imagination du romancier ni la rigueur de l’historien. Comme s’il était condamné à l’anecdote ou à la complaisance. Mon propre sentiment est tout différent. La biographie me donne la chance d’une rencontre prolongée avec un autre. Elle m’offre l’ampleur d’un monde et le luxe du détail, tout en me protégeant du sentiment de l’arbitraire ou de la contingence. Elle me permet d’évoquer un personnage – qui est aussi une personne – dans sa complexité et ses contradictions. Mais elle me charge aussi d’une responsabilité particulière. »

Benoît Peeters

Lundi 5 août
Conférence : Penser ici l’histoire des ailleurs
Pierre Singaravélou
, historien

« L’Ailleurs, toujours pensé dans sa relation dialectique avec l’Ici, a inspiré de multiples formes de représentations exotiques, avant de nous conduire aujourd’hui à interroger précisément le lieu d’où nous parlons et écrivons. Alors que la discipline historique s’est construite comme une science de la nation, l’enquête historienne suppose toujours un dépaysement, un déplacement où s’origine la réflexivité. Ce détour par l’Ailleurs peut alors permettre de mieux nous comprendre sans renoncer à connaître les autres. Car, en changeant d’échelle d’analyse et en décentrant le regard, il devient possible de déplacer la frontière entre l’Ailleurs et l’Ici, évitant par là même le piège d’une pensée duale essentialiste. Si l’on admet que l’Ici est partout, l’Ailleurs réside peut-être en chacun de nous. »

Pierre Singaravélou

Lundi 5 août
Conférence : Quêtes et regards croisés entre ici et ailleurs
Edhem Eldem
, historien

« La célèbre phrase de Montaigne, « nous pensons toujours ailleurs », ne concerne pas vraiment l’éloignement physique ou culturel, mais plutôt la diversion, voire l’illusion ; ce n’est pas vraiment une proposition ou un conseil, mais davantage une constatation. Pourtant, nombreux sont ceux qui ont choisi d’y lire une invitation à prendre ses distances de son monde, de sa culture, de ses valeurs et de s’enrichir par la découverte d’un ailleurs permettant une remise en question de soi. Cette interprétation reste cependant fortement marquée par une tradition intellectuelle et culturelle occidentale qui laisse en suspens la question du risque de contamination orientaliste et, plus encore, celle du regard et de la quête en sens inverse. Pour ceux qui sont déjà ailleurs, en dehors de l’Europe, la quête d’un ailleurs est-elle possible au-delà d’un rêve d’occidentalisation ? Et pour ceux qui cherchent un ailleurs du haut de leur Olympe occidental, cette quête pourrait-elle se doubler d’un orientalisme qui se voudrait bienveillant ? »

Edhem Eldem

Lundi 5 août
Lecture performée sous les étoiles : Les choses de la lumière
Maude Veilleux, écrivaine et poète

Maude Veilleux propose une lecture arrangée entre des extraits d’Une sorte de lumière spéciale (Bouclard, 2024) et d’un projet en cours : une recherche sur les rapports d’interdépendances, sur l’espoir simple que malgré les ruines ou qu’à travers les ruines une nouvelle matière, une nouvelle forme pourra naître et nous permettre de réfléchir à nos états communs, mais aussi à des avenirs possibles.

Maude Veilleux

Mardi 6 août
Conférence : Premier brasier
Felwine Sarr
, écrivain

« Aussi loin que je me souvienne, la poésie fut mon premier brasier. Dans l‘espace du poème, j’apprenais à être présent au monde, à me laisser tomber là, dans l’inconnu qui existe déjà et qui est l’infinie complexité de la vie. Dans le brasier crépitaient des bûches rougeoyantes, des tisons à la flamme drue, des petites brindilles craquant sous l’assaut des flammes. Une fumée qui s’élève et qui tournoie, des vers en combustion, des chemins ouverts dans l’imaginaire, des joyaux de sonorités, des saveurs inattendues de mots crevés et débouchés de leur usure, des alliages improbables de sens. »

Felwine Sarr

Mardi 6 août
Conférence : Toutes les époques sont dégueulasses
Laure Murat
, écrivaine et historienne

« En 2023, une série de polémiques a éclaté à propos de la réécriture de certains classiques (Ian Flemming, Roald Dahl…) sur les conseils de « sensitivity readers » ou « démineurs éditoriaux », ces lecteurs chargés de filtrer les mots, les phrases, les images jugées choquantes dans un livre. Comment évaluer cette pratique ? Faut-il craindre une nouvelle orthopédie morale imposée à la création ? Ou au contraire se féliciter de cette mise en phase d’un texte avec les sensibilités de l’époque ? »

Laure Murat

Mardi 6 août
Lecture musicale : Les Arbres de Marina Tsvetaïeva
Sonia Wieder-Atherton
, violoncelliste et André Markowicz, traducteur, écrivain et poète

« Il s’agirait d’abord d’entrer dans la langue de Tsvetaïeva, d’entendre ses accents répétés, obsessionnels. Entendre l’accumulation des mots, sentir la langue comme un fruit dont on voudrait extraire le jus. Entendre le son de la couleur grise, le son de la vieillesse, le son du vent. Entendre l’épuisement du fauve, entendre son ode aux arbres, entendre les arbres s’élancer pour ouvrir leurs poumons au ciel. Et cette langue, par la voix d’André Markowicz, rencontrera la musique, le violoncelle, parfois les deux s’emmêlant, parfois la musique s’élançant seule. Guidés par lui, les sons nous emmèneraient au sens, ainsi nous avancerons pas à pas. »

Sonia Wieder-Atherton et André Markowicz

Mercredi 7 août
Conférence : Animer la terre pour mieux l’habiter
Jérôme Gaillardet
, géologue

« Nous n’habitons pas la Terre au sens du globe, mais une infime partie de celui-ci. Une zone comprise entre le ciel et les roches, discontinue, issue de la confrontation de l’énergie du soleil qui active le cycle de l’eau et de l’énergie tellurique qui crée les reliefs. Ce n’est ni le sol traditionnel, ni les écosystèmes, ni les eaux souterraines ou les fleuves ; c’est tout à la fois. Altéré, tissé, ce voile est une zone critique, à découvrir pour en prendre soin et l’habiter mieux. Au-delà des débats sur l’Anthropocène et son début, ce que nous enseigne une vision cyclique de la mince pellicule dont nous humains dépendons, c’est que nos activités ont bien du mal à s’y loger, et que changer le discours sur la Terre permettra de revoir nos manières de l’habiter. »

Jérôme Gaillardet

Mercredi 7 août
Conférence : Politiques de la cruauté, politiques de l’attachement
Chowra Makaremi
, anthropologue

« Ces dernières années, notre monde a crépité de soulèvements considérés comme inédits par ceux qui les vivaient et les observaient : de la marche du retour à Gaza et de la révolution soudanaise aux révoltes au Liban, en Irak, au Chili, au Bélarus, en Algérie, en Iran… Une pulsation insurrectionnelle dont on n’a pas décrypté le code. Leur souvenir même tend à s’effacer sous la réalité et les spectres des guerres, par lesquelles les gouvernements menacés se sont maintenus, en réinstituant une géopolitique faite d’ennemis, d’alliances et de survies nationales. Si l’on se tourne pourtant vers l’Iran, où les cris de « Femme Vie Liberté ! » se sont assourdis, on remarque que ce soulèvement a tracé, dans son ressac, des lignes de fuite à même d’aiguiller, ici aussi, nos résistances, à travers des politiques de l’attachement et un travail affectif qui inventent, avec précision, une grammaire de lutte. »

Chowra Makaremi

Jeudi 8 août
Lecture : Sans valeur
Gaëlle Obiegly
, écrivaine

« Il est arrivé, à l’automne 2022, qu’un petit tas d’ordures suscite mon attention au point que je m’agenouille sur le trottoir pour les considérer. En vue d’un déménagement dont l’échéance approchait, l’essentiel de mon temps était alors occupé au tri et à l’empaquetage de mes affaires. Triant laborieusement, j’ai passé plusieurs mois à discriminer ce qui a de la valeur et ce qui ne vaut rien. D’un côté ce qui est destiné au paradis des archives ; de l’autre ce qui est voué à disparaître dans le néant des ordures. »

Qu’est-ce qui compte ? Comment déterminer la valeur d’une chose ? En s’appropriant les affaires d’une inconnue, en les mettant en miroir à sa propre vie, la narratrice nous plonge dans une suite de réflexions.

Gaëlle Obiegly

Jeudi 8 août
Conférence : La société contre l’état : mythe d’origine ou anarchisme à venir ?
Catherine Malabou
, philosophe

« Les travaux de l’anthropologue Pierre Clastres connaissent aujourd’hui un regain d’intérêt et se voient renouvelés par les réflexions de David Graeber. Les sociétés dites « sauvages », dans lesquelles les chefs ne commandent pas, présentent-elles un modèle d’organisation politique qui échappe à la logique du gouvernement ? Quels enseignements serait-il possible d’en tirer pour un anarchisme à venir ? »

Catherine Malabou


Le Banquet du livre pratique

LE COIN ENFANTS

Pour les 4-10 ans, tous les jours de 10 h à 13 h et de 17 h à 20 h dans la cour du palais abbatial. Gratuit sur inscription.

TARIFS & INSCRIPTIONS

  • Forfait intégral (non inclus : atelier d’écriture, banquet du Banquet) : 100 € (plein tarif), 80 € (tarif réduit), gratuit (tarif jeunes)
  • Concert d’ouverture – Rodolphe Burger (3 août) : 18 €, 15 €, 10 €
  • Forfait journée : 20 €, 16 €, gratuit
  • Séances à l’unité : 6 €, 4 €, gratuit
  • Le banquet du Banquet (repas-spectacle du 9 août) : 40 €
  • Atelier d’écriture : 15 €, 12 €, gratuit (inscription obligatoire)
  • Siestes sonores et promenade botanique : 7,5 €, 6 €, gratuit (inscription obligatoire)
  • Visites éclectiques de l’abbaye : 11 €, 9 €, gratuit (inscription obligatoire)
  • Qi Gong : 5 € (inscription obligatoire)
  • Atelier de philosophie, Figure libre, La criée, Grand petit déjeuner : gratuit, sans réservation dans la limite des places disponibles.

Tarif réduit pour les étudiant·e·s, les 18-25 ans, les PSH, les bénéficiaires des minimas sociaux, les adhérent·e·s du Marque-page.

Tarif jeunes pour les -18 ans

Pour plus de renseignements : le site du Centre culturel Les arts de lire.

SE RENDRE A LAGRASSE

  • Gares les plus proches : Lézignan-Corbières (18 km), Narbonne (40 lm), Carcassonne (40 km).
  • Aéroports : Carcassonne (40 km), Perpignan (70 km), Béziers (80 km), Toulouse (140 km), Montpellier (140 km).

SE LOGER A LAGRASSE

Renseignements à l’Office de tourisme : 04 68 27 57 57.

SE GARER A LAGRASSE

Parkings P1 et P2 obligatoires pour les visiteurs. Payants de 10 h à 18 h : 0,70 euros/heure, 4 euros/journée.